Voici un thème bien connu : l’imprégnation comportementale du poulain. Aujourd’hui, cette expression peut paraître bien barbare, mais elle a contribué à la pratique de la désensibilisation. L’un des initiateurs de cette pratique est le Docteur Miller qui s’est entre autre inspiré des travaux de Lorenz Konrad (éthologue).
Au commencement de l’imprégnation comportementale
L’un des lanceurs de cette démarche est donc le Dr Miller. De façon très raccourcie, de par ses observations sur différents animaux, il s’aperçut qu’il était plus facile de travailler un cheval dès lors que ce dernier avait été manipulé très jeune. Sa méthode consistait à acclimater très tôt le poulain à l’homme (dans les premières heures suivant la naissance). Cela allait à des petites séances de pansage, prise de pied à du maintien au sol (position couché). Pourquoi décida t-il dans ses travaux de commencer si tôt ? Le nouveau-né dans les premières heures de sa vie est une page vierge. Sa base de données est encore vide et peut ainsi être renseignée d’informations utiles à son utilisation par l’homme.
Pour résumer cette méthode en voici les 4 grands principes :
- Participation de l’homme, sans entraver le rôle de la mère (toilettage), utilisation d’un linge humide pour créer un lien entre le poulain et l’homme
- Désensibilisation au toucher par l’homme sur toutes les zones du corps. Le poulain est empêché de force de se lever. Accoutumance aux objets qui font peur (bombes aérosols, tondeuse en fonctionnement, sacs plastiques, etc)
- Sensibilisation rapide aux gestes du dresseur
- Apprentissage du respect, de la domination de l’homme
Comme toute méthode, elle trouve ses adeptes et ses détracteurs. L’idée de la contrainte est assez présente dans cette façon de procéder. Sans pour autant adhérer à la pratique, elle peut permettre un raisonnement dans la manière de conjuguer échange constructif avec l’animal et domination totale. La méthode se trouve contestée sur l’impact psychologique qu’elle pourrait avoir chez le cheval. Une peur acquise et maîtrisée très tôt sous la contrainte peut enclencher un facteur de stress important. Les poulains adoptent alors un comportement résigné. Sur le long terme, ces mêmes poulains auraient tendance à témoigner de troubles de l’attachement, une attitude en retrait sur le plan social, un comportement plus agressif et une méfiance vis à vis de l’homme. Le cheval adulte pourrait venir à se remettre en question régulièrement. Il pourrait s’interroger si la réponse qu’il va donner à l’homme sera en adéquation avec la demande. Un stress non extériorisé, peut conduire à des troubles de la santé, à commencer par des difficultés au niveau du système digestif.
Différence entre désensibilisation et imprégnation comportementale
De nos jours, plusieurs méthodes se sont développées dans l’idée d’avoir un cheval plus réceptif et moins stressé pour les grandes étapes de sa vie (transport, maréchal-ferrant, débourrage, soins, etc). Bien souvent, elles sont destinées aux chevaux adultes présentant un blocage ou une réaction disproportionnée face à un objet ou une situation.
Elles se veulent plus douce avec et envahissant plus ou moins l’espace vital du poulain et de sa mère. L’objectif est de désensibiliser le foal ou le très jeune cheval au licol, à l’utilisation d’un bouchon, à des gestes du quotidien. On va également lui apprendre à donner les pieds et lui curer les pieds à l’aide d’une brosse (préparation au travail du maréchal-ferrant). Plus tard, un tapis de selle sera placé sur son dos afin également de l’accoutumé à avoir quelque chose sur le dos.
Dans tout ce processus, qui se fera dans le temps, viendra s’ajouter en toile de fond "le respect de l’homme". Cette notion viendra s’opposer à la domination et à la contrainte. Il conviendra d’inculquer que le poulain ne pourra pas se conduire avec l’homme comme il se conduirait avec un autre cheval.
Cette approche se veut douce et bienveillante.
Attention aux dérives
Dans la volonté de bien faire, peuvent apparaître certaines dérives. Lorsque le poulain n’a encore que quelques semaines, voir quelques mois, il ressemble à une peluche. Sa frimousse se veut craquante, et ses départs au grand galop sur ses grandes pattes pas toujours très bien coordonnées prêtent à rire. A l’heure de la sieste, lorsqu’il se dore au soleil printanier, il donne envie de le prendre dans ses bras.
Comme mentionné dans la méthode du Dr Miller, le poulain va apprendre très rapidement. Il conviendra donc de pas confondre animal et jouet au risque de se retrouver confronter à un cheval dangereux à l’âge adulte. En effet, en absence de limites claires et ce très tôt, un poulain à qui vous accordez le droit de poser ses antérieurs sur vos épaules, ne comprendra pas pourquoi il ne pourra pas le faire à l’âge adulte. Il en sera de même pour les petites bousculades qui pourraient se révéler dangereuse lorsqu’il fera plusieurs centaines de kilo. Cela touchera également la façon dont il marchera en main. Si vous le laissez vous marcher dessus, ou vous emmener toujours un peu à sa guise, attendez vous plus tard à quelques désagréments.
De plus un poulain à qui on ne lui aura pas définit des limites claires, se trouvera dans l’incompréhension ou la défense une fois adulte lorsqu’il se fera reprendre par son cavalier.
L’éducation d’un poulain est une tâche importante, c’est même une grande responsabilité. A tout instant, il est primordial de se projeter dans l’avenir, afin qu’il puisse se développer dans un environnement sain. Le très jeune cheval doit être constamment considéré comme un être à part entière. A aucun moment, il ne faudra faire l'amalgame entre construire une relation de confiance entre l’homme et l’animal et l’élevage d’un jouet vivant. Une bonne éducation ne viendra pas ternir une relation de complicité entre vous et votre poulain, au contraire elle la renforcera.
Article proposé par R.DELHOMME - Distri’Horse33.com